lundi 3 novembre 2014

Interview Léa Sananes et Valentin Besson pour Folles Chroniques

Interview complète sur :
http://folleschroniques.wordpress.com/2014/10/21/folle-interview-1-autour-de-leveil-du-printemps/

Rencontre avec Lea SANANES et Valentin BESSON autour de la pièce « L’EVEIL DU PRINTEMPS » actuellement au Théâtre Pixel.

A moins que vous ne lisiez jamais ce blog ou que vous ayez passé le mois de Septembre dans une grotte, chez FOLLES CHRONIQUES nous avons eu un véritable coup de coeur pour la compagnie CHAT NOIR et sa relecture de la pièce de Wedekind. Petit détour côté coulisses. Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur Lea et Valentin, sans jamais oser le demander :

-Léa et Valentin, pouvez vous en quelques mots vous présenter et nous en dire plus sur vos parcours artistiques respectifs ?
Léa : Le théâtre n’a pas été mon premier coup de coeur, avec un père musicien, j’ai tout d’abord pris des cours de piano en conservatoire. Mais dès ma primaire, j’ai commencé à monter des saynètes avec mes amis puis mes premières pièces de théâtre en CM1 et CM2, pendant les récréations et les pauses déjeuner. Ca a été un coup de coeur, et ma passion pour le théâtre a commencé à prendre le dessus sur la pratique musicale. Mais j’ai toujours « la musique dans le sang », le théâtre, c’est une question de rythme aussi, « d’altérations », de tons, que je sens grâce à la musique. Au collège, je suis rentrée dans un atelier théâtre à Gagny, puis à Noisy Le Sec avec Alain Farrès (qui m’a fait découvrir et jouer L’Eveil du printemps à 14 ans). Mais celui qui m’a appris l’essentiel de la pratique théâtrale est Yves Steinmetz, mon professeur de théâtre au lycée Molière en 1ère et Terminale, c’est un grand professeur, digne des meilleurs conservatoires, ami d’Antoine Vitez, il nous considérait comme des comédiens et nous procurait donc un enseignement professionnel. Actuellement en Khâgne dans ce même lycée, je continue de me cultiver pour nourrir mon art car je m’inspire de tout pour créer.
Valentin : J’ai commencé le théâtre assez jeune dans une compagnie que je suis encore beaucoup, c’est la Cie Euphoric Mouvance à Bellerive s/Allier. J’habite Vichy, mais pour découvrir et commencer à me spécialiser dans le théâtre je suis allé au lycée Mme de Staël à Montluçon dans le même département (03). C’est là où je me suis dit que je voulais en faire mon métier, je me suis inscrit au conservatoire de la même ville, j’ai eu de très bon professeurs, quelques un d’entre eux viennent à Paris pour voir L’Éveil et cela me fait un immense plaisir, on voit qu’on est soutenu par notre famille surtout et nos amis, ils suivent notre parcours ce qui nous encouragent et nous donne envie d’aller toujours plus loin. Pendant l’été de la première à la terminale, je ne sais comment, certainement sur un coup de tête, je suis monté à Paris pour bénéficier d’un environnement théâtral mais de manière plus générale culturel incomparable, je suis arrivé au Lycée Molière où j’ai rejoint Tania et Léa dans la classe théâtre de M. Steinmetz. Je me suis inscrit au conservatoire du 18e, et je suis resté à Molière pour la prépa et la « Spé » théâtre de M. Chervet. L’Éveil se rapproche donc d’une expérience professionnelle de par la fréquence et la durée des représentations. Je suis aussi très partagé avec la musique que je pratique depuis petit et que j’aime diriger dans mon lycée.
-Léa, comment en es tu venu à l’Eveil du Printemps ?
Léa : Comme je l’ai dit précédemment, c’est à 1’âge des personnages de la pièce que j’ai découvert L’Eveil du printemps. Vous pouvez imaginer que jouer cette pièce à 14 ans est marquant. Plus je grandissais, plus je comprenais des éléments de la pièce, je ne l’ai jamais quittée, je présentais la scène d’Ilse à chaque audition que je passais. Monter L’Eveil comme 1ère pièce m’est apparu comme une évidence. C’est beau non, choisir comme première pièce un texte qui évoque la découverte du monde des adultes et le désir d’émancipation d’adolescents ? Et c’est vrai que l’adolescence n’a pas été une période facile pour moi, comme beaucoup d’autres, j’avais ce besoin de témoigner, L’Eveil est une pièce qui met les mots sur ce que j’ai ressenti, je suis à la fois Moritz, Wendla, Martha, Melchior. Maintenant jeune adulte, j’essaye à travers cette pièce, de comprendre ce que j’ai vécu en confrontant mes expériences avec celle des adolescents de la pièce, mais cela me permet aussi de les représenter tels que je les ai ressenties. Monter L’Eveil du printemps, c’est le symbole de mon affranchissement de l’enfance mais aussi la découverte de la création artistique.
-Léa, comment as tu fait le choix de tes comédiens et de ton équipe artistique.
Léa : J’ai voulu réunir autour de moi mes amis qui avaient tous un talent particulier dans une discipline artistique. Pour les comédiens, Tania et Valentin étaient mes amis de l’Option théâtre de Molière, Mathieu est un ami qui, je trouvais, ressemblais dans la vie de tous les jours au personnage de Melchior, et comme je savais qu’il était musicien, je me suis dit que ça m’en faisait « deux pour le prix d’un ». C’est tellement dure de gérer une équipe, que je voulais limiter tout de même le nombre des membres. Comme mon meilleur ami Hugo Vermeille a fait de la danse et qu’il a une grande sensibilité artistique, j’ai voulu intégrer de la danse pour qu’il puisse participer au projet, le scénographe Jules Le Bihan est un ami de longue date qui me montrait ses dessins quand nous étions plus jeune, comme ses parents sont comédiens j’ai pensé que lui proposer de se lancer dans la scénographie était un bon compromis. C’est Juliette Raynal qui est l’exception qui confirme la règle. Il me manquait une comédienne (j’avais déjà décidé pour des raisons pratiques de distribuer un rôle d’adulte et un rôle d’enfant à chaque comédien), je l’ai « repérée » au cours de théâtre d’hypokhâgne, on était toutes les deux déçues de nos cours de pratiques avec notre nouveau professeur alors comme elle avait attirée mon attention en présentant un passage des « Bonnes » de Genet, je lui ai proposée d’intégrer le projet. Tania Markovic devait à l’origine avoir le rôle de Wendla, mais pour moi, Juliette n’avait pas le physique d’une Mme Bergmann, je lui ai alors donné le rôle de Wendla tandis que Tania incarnerait sa mère.
-Valentin, comment as tu aborder le personnage de Moritz, étant donné sa complexité et son ambivalence.
Valentin : Tout d’abord, Léa n’a pas beaucoup hésité me concernant entre le personnage de Melchior ou de Moritz, on est loin du rôle d’emploi mais il y a peut-être quelque chose (même infime) entre mon univers et celui de mon personnage. J’ai mis très longtemps à le cerner, on a recherché avec Léa pas mal de références cinématographiques, picturales et même littéraires, c’est un travail qui déborde des simples limites de la répétition et qui prend sur le quotidien, dans la rue, le métro, n’importe où, je fais attention au moindre élément qui rappelle Moritz. J’ai dépassé les 14 ans et pourtant les exigences de l’école (la prépa) et l’éveil de la sexualité sont tels que je me suis beaucoup aidé de mon quotidien, j’ai beaucoup observé et pris du recul par rapport au propre rôle que l’on joue tous dans la vie, le comportement des gens est important puisqu’il s’agit sur scène d’être dans une justesse et une sincérité qui ne dénote pas de la réalité. Je pense qu’il a fallu que je passe par des émotions et des états extrêmes et opposés pour trouver où se situe mon Moritz, c’est un jeune ado et il va se suicider, je pense qu’il est presque impossible de pouvoir se mettre à la place de cette personne si jamais elle existait vraiment, et pourtant c’est mon devoir. Je m’oblige donc quelques heures avant chaque représentation à « rentrer » dans la peau de mon personnage, des amis m’ont dit quelque chose qui pour moi est très gratifiant, ils ne m’ont pas reconnu, ils ont vu sur scène un autre Valentin, je pense que c’est Moritz tel que je le vois qu’ils ont vu. Mais je prends cependant énormément de plaisir à faire apparaître sa naïveté, je dois me créer un chemin de pensée pour essayer de faire écouter au spectateur le désarroi et la détresse de Moritz. Pour finir sur Moritz je pourrais dire qu’en moi-même il y a quelque chose de paradoxal dans le sens où j’ai l’impression d’incarner et de devenir véritablement Moritz alors que j’arrive à m’en détacher et avoir sur scène une conscience d’acteur en écoute avec le public et les autres comédiens.
Concernant Moritz revenant des morts, le problème qui s’est posé à nous, c’est de représenter Moritz sans tête. Il y a mille manières, surtout en en passant par des symboles, j’aurais pu aussi confectionner un buste sans tête… Puis l’idée du bonimenteur est venu assez vite, il incite Melchior à le suivre, cela nous a donc renvoyé à la fois à L’Homme qui rit d’Hugo et le Joker de Batman, notamment celui avec Jack Nicholson qui à son tour connait une sorte de renaissance avec ce sourire indélébile. Il me fait penser aussi à Gustav Gründgens en Mephisto dans Faust par son jeu très codifié. La composition de ce personnage est arrivée assez tard, donc peu de temps avant notre première, le jeu est donc assez libre et j’essaie de m’amuser dans les intonations jusqu’à la phrase finale qui illustre mon maquillage et représente un moment d’apaisement autant pour Moritz que pour moi !
-Léa, tu as fait le choix d’être des deux côtés de la scène pour cette production. Quel a été le moteur de cette décision ?
Léa : pour moi L’Homme Masqué et Ilse sont des personnages très proches qui interviennent à un moment fatidique pour essayer de conduire les personnages à la vie alors que leur instinct les pousse à la mort. Pour des raisons pratiques, j’ai décidé d’endosser les deux rôles mais aussi parce-qu’ils collaient bien avec mon statut de metteur en scène. Pendant toute la pièce j’observe de la salle ce qui se joue sur scène puis j’interviens au moment où les comédiens sont perdus. Le metteur en scène est celui qui par Nature fait le lien entre la scène et la salle, et se situe entre l’illusion et le réel, ce qui est le cas des personnages d’Iles et de l’homme masqué. Finalement le théâtre c’est ça aussi, trouver des solutions aux contraintes intérieures mais aussi extérieures de la pièce. Bon, je dois avouer que Ilse est un personnage auquel je suis attaché car c’est celui que mon professeur m’a donnée quand je l’ai joué pour la première fois, ça m’aurait fait du mal de m’en détacher et puis je voulais recommencer à travailler sur ce personnage suite aux expériences que j’ai eu depuis la découverte de ce rôle.
-Vous êtes en compétition pour les Ptits Molières grâce au Théâtre Pixel. Qu’est ce que cela évoque et représente pour vous ?
Léa : personnellement, ça me donne de l’énergie et beaucoup d’espoir. C’est quand même notre première pièce, et déjà pour nous c’est une fierté d’en être arrivé là. Mais ce n’est pas fini, on peut toujours aller plus loin, progresser, gagner en maturité aussi. Obtenir une récompense serait la consécration de notre travail présent mais surtout un tremplin qui nous pousserait à continuer dans la voie que nous avons seulement ébauchée avec L’Eveil.
Valentin : Je trouve que c’est assez dingue parce qu’inattendu, ça n’a jamais été dans le but d’un concours donc d’un désir de récompense que nous avons autant travaillé. Ce travail a été dépourvu de toute finalité si ce n’est : faire du théâtre. C’est ensuite qu’on s’est rendu compte que notre spectacle pouvait être représenté dans un petit théâtre parisien, mais de là à s’imaginer qu’on pouvait atteindre les Petits Molières… je pense aussi que c’est une satisfaction et la preuve du mérite de notre travail. Le milieu du théâtre est difficile surtout à notre niveau, cette récompense doit être très gratifiante pour les lauréats et elle est une bonne chose parce qu’elle leur donne peut-être les moyens de percer plus facilement.
-L’Éveil du Printemps est encore au début de sa carrière. Avez vous en parallèle d’autres projets?
Léa : Juliette, Valentin et moi sommes actuellement en Khâgne, ce qui demande un gros investissement. C’est vrai que comme j’aime aller au bout de mes idées et ne pas faire les choses à moitié, j’essaye de faire le moins de choses possibles en même temps. Ce qui me plait actuellement est que j’arrive à allier les études et le théâtre. Mais finalement tout est lié : j’essaye de mettre en pratique au sein de ma compagnie l’apprentissage théorique donné en cours. Avec ce projet, j’ai aussi envie de montrer aux autres jeunes de mon âge que c’est possible de faire quelque chose de ses mains, il faut seulement avoir l’envie. Brel disait « Moi je crois qu’on ne réussit qu’une seule chose, on réussit ses rêves ». C’est bien dit, mais les rêves, pour les concrétiser, il faut travailler dur et efficacement, surtout quand on fait des études à côtés, pour ne pas perdre de temps.
Valentin : L’Éveil et la prépa nous font déjà un agenda bien rempli, je m’occupe personnellement de deux formations musicales à Molière, mais on a toujours des projets qu’on garde en tête.
-Après cette pièce Léa, quel univers aimerais tu explorer avec ta compagnie ?
Léa : j’aimerais faire un court-métrage. En fait, je suis tout autant friande de cinéma que de théâtre. J’aimerais dans ce court continuer d’explorer le monde de l’adolescence, période qui me passionne actuellement et tellement complexe que j’ai envie de continuer à travailler dessus, peut-être pour essayer d’y trouver un sens ? Cette fois-ci j’aimerais m’attarder sur le monde de la nuit électronique, marquée par une solitude et une violence auxquels des adolescents parfois dès 15-16 ans sont confrontés. Mais j’ai envie d’étendre la compagnie pour ce projet, intégrer de nouveaux talents. En fait, je suis toujours ouverte à de nouvelles personnalités, je ne suis pas du tout refermée sur la troupe, pour moi, c’est dans l’échange d’idées qu’on parvient à la création.
Un immense merci à Léa et Valentin pour leur disponibilité. Voilà une nouvelle génération pleine de talent et de passion qu’il faut s’empresser d’aller applaudir 
L’EVEIL DU PRINTEMPS
Théâtre PIXEL

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