vendredi 7 février 2014

L'Eveil du printemps

L’histoire de l’Eveil du printemps est celle d’adolescents de 14 ans qui prennent conscience qu’ils sont présents au monde, mais qu’ils sont nés dans une société surannée. Ils vont ainsi essayer d’exister par-delà le carcan parental et les conventions sociales. Wedekind qualifie lui-même sa pièce de “tragédie enfantine”.Ces personnages sont des adolescents : ils ne sont ni enfants, ni adultes, ils sont dans la transition, dans un état passager : ni tout à fait endormis, ni totalement éveillés. Ils sont la représentation humaine de “L’Eveil du printemps”, saison qui évoque le bourgeonnement, le passage du froid à la chaleur. Le thème de la passerelle est en effet omniprésent dans cette pièce. C’est pourquoi tous les éléments de la scénographie sont inachevés : une chaise et un tabouret sans fond, un cadre sans tableau, un mannequin sans tête.  Dans sa pièce, écrite en 1890, l’auteur choisit d’évoquer des thèmes tabous en ce temps-là comme la découverte violente de la sexualité à l’adolescence, et le désenchantement de l’art face à une société bourgeoise prisonnière de son étiquette. Afin de garder la tension de cet arrière fond historique, la pièce est jouée en costumes d’époque. L’esthétique générale de la mise en scène rejoint celle du théâtre de la cruauté. Il s’agit de faire en sorte que le spectateur réagisse à ce qu’il voit. Les personnages peuvent chuchoter comme crier, et le public est provoqué par leurs interpellations, proches de la performance. De plus, l’utilisation d’autres arts comme la musique, la danse, ou la poésie participent à l’éveil de sa sensibilité. La pièce commence par le poème Sensation d’Arthur Rimbaud dit par le metteur en scène alors que les comédiens arrivent sur le plateau et découvrent l’espace.Dans la lecture que nous faisons de la pièce les enfants, comme les parents, sont confrontés au danger du choix. Le jeu des acteurs est expressionniste, correspondant ainsi à l’image des enfants et des parents qui se trouvent tous en période de crise. La frontière est exigüe entre la réalité et l’imagination. Un doute plane constamment sur la véracité des actions qui se déroulent sur scène. Et si Ilse (une adolescente qui a quitté le collège pour devenir muse des artistes) et L’homme masqué n’étaient que le fruit de l’imagination des enfants, face à la perte des illusions qui avaient bercées leur enfance. La scénographie annihile tout réalisme par un décor unique qui déjoue l’utilisation ordinaire des objets. Le matériau essentiel de ces élément est le bois, pouvant évoquer le mobilier d’intérieur bourgeois mais aussi la forêt, lieu de refuge pour les enfants. Le monde bourgeois du XIX ème siècle, comme la société contemporaine, nous contraint à accepter de jouer un rôle social avec lequel nous ne sommes pas toujours en accord. Cette pression de la société est représentée par l’omniprésence des comédiens sur scène. Ils jouent à tour de rôle soit les enfants, soit les parents, et les changements de costumes se font face au public. Enfin, à travers tous ces thèmes, cette pièce met en jeu le processus de création artistique et théâtrale. Le metteur en scène joue lui aussi le rôle de personnages qui n’apparaissent qu’une seule fois dans la pièce. Assis dans le public, il prend à chaque apparition une forme différent. Au moment ou les enfants sont perdus, il leur propose de vivre.
Moritz, alors qu’il se retrouve seul dans la forêt avec Melchior s’interroge : “Quel étrange rôle on nous fait jouer, là !”. 



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